• Sanctions suite à l'insurrection de 1871

     LES SANCTIONS ( Extrait de l'insurrection de Kabylie  par J.Olivier le 14/08/2014)

    La Grande Kabylie perdit l'autonomie qu'elle avait conservée après la conquête; les assemblées municipales ou "Djemaa" furent dépouillées de leurs attributions politiques. Les villages qui avaient pris une part active à l'insurrection durent payer une contribution de guerre de 32 millions de francs ( Environ 81 millions d'euros ) . Les individus furent moins sévèrement traités que les collectivités. Quelques centaines seulement, choisis parmi les plus compromis, furent traduits en cours d'assises sous l'inculpation de crimes de droit commun. Cheikh Haddad fut condamné à 5 ans de prison, Bou Mezrag à la peine de mort, commuée en en celle de la déportation.  Le statut mal défini des indigènes algériens fit que les sanctions appliquées aux insurgés furent doubles : - en tant que belligérants, ils se virent infliger des amendes, les terres des plus coupables furent frappées de séquestre, - comme sujets français, ils furent traduits individuellement devant les tribunaux. La première sanction fut le paiement d’une indemnité de guerre, fixée par fusil, qui rapporta au total plus de 36 millions de francs dont le recouvrement s’étendit jusqu’en 1890. Les tribus insurgées durent ensuite indemniser les familles de leurs victimes. Ce principe de responsabilité collective est inscrit dans le droit musulman et dans les kanoun berbères où la personnalité morale de la tribu prime toute personnalité individuelle. Le séquestre des terres s’étendit sur 446 000 hectares qui furent mis à la disposition des colons notamment des Alsaciens-Lorrains réfractaires des territoires cédés à l’Allemagne. Les sanctions judiciaires frappèrent quelque 400 personnes, 213 devant la cour d’assises de Constantine, le reste devant la cour d’assises d’Alger ou les tribunaux militaires. Pour éviter de faire apparaître l’incohérence et les bourdes du pouvoir civil après la chute de l’Empire, on en vint bien souvent, sans trop de résultat, à charger les «bureaux arabes», accusés d’avoir favorisé l’insurrection, plus que les insurgés eux-mêmes. On oublia souvent les services rendus par les chefs indigènes « fidèles », notamment ceux qui réussirent à soustraire des dizaines d’Européens à des massacres. Des ténors du barreau parisien, tels Jule Favre, se déplacèrent en Algérie. Les acquittements furent nombreux. Les condamnations à mort furent exceptionnelles et furent le plus souvent suivies de commutations de peine. 23 des auteurs du massacre de Palestro passèrent en justice, il y eut huit condamnations à mort dont trois furent exécutées. Pour l’affaire de Bou Saada, le tribunal militaire de Blida prononça 23 condamnations à mort dont 5 furent exécutées. Pour le sac de Rebeval d’avril 1871, 3 condamnations à mort sur 6 furent exécutées. Boumezrag, Ahmed Bey, Aziz et le caïd Ali furent déportés en Nouvelle Calédonie avec une centaine d’autres insurgés. Ils furent graciés en 1882, mais beaucoup restèrent dans l’île où ils constituent encore aujourd’hui une petite communauté vivace. Chikh-el-Haddad mourut en prison en 1873. En avril 1872, une commission d’officiers des affaires indigènes s’occupa de rapatrier sur l’Algérie les nombreux otages détenus en France. Le reste des Ouled Moqrane trouva refuge en Tunisie. L’insurrection de 1871 fut, d’un côté comme de l’autre, une immense tragédie où s’investirent des trésors d’héroïsme même s’il faut admettre que les goums et les spahis qui marchaient avec les Français n’ont pas toujours montré beaucoup d’ardeur au combat. Face à l’irrédentisme des tribus berbères, traditionnellement rebelles à toute forme d’autorité imposée, la politique coloniale ne cessait de se chercher au gré des changements politiques que connaissait la Métropole. Sur place, les autorités civiles qu’animait une idéologie républicaine « laïque » incomprise des élites musulmanes s’accordaient mal avec les « bureaux arabes » qui tentaient en vain de calmer le jeu. Aux assassinats des insurgés répond la répression souvent excessive de l’armée et les bavures incontrô- lées des milices européennes et de la troupe. Parler de nationalisme serait anachronique à une époque où le colonialisme, notamment français, est en pleine expansion. Le mouvement est populaire, religieux dans ses motivations, mais essentiellement kabyle et n’entraîne en aucune façon la partie arabophone majoritaire de la population indigène. D’ailleurs les « arabes » ne s’y reconnaissent pas plus aujourd’hui qu’à l’époque.

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