• H Boumediène et les dépouilles d'Amirouche et Si Lhoues.

                        Le vrai visage de Houari.

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    Comment Houari Boumediene a volé et caché les dépouilles des martyrs Le Colonel Des Colonels Amirouche et El Haoues

    Par Chérif Mahdi

    (officier à la retraite et secrétaire général de l’état-major de l’ANP de 1963 à 1967)

    Temoignage

    Houari Boumediène et Abdelkader Chabou avaient imposé le silence sur la découverte, en décembre 1962, des corps de Amirouche et d’El Haouès. Ces deux responsables du MDN, une fois morts, Cherif Mahdi, ne craignant plus pour sa vie, et après avoir consulté le deuxième homme également au courant, en l’occurrence Abdelhamid Djouadi, et obtenu son plein accord, Cherif Mahdi avait décidé de parler, ce qu’il avait dit avait fait l’effet d’une bombe. Le pouvoir de Chadli avait été remué de fond en comble. Ce qu’avait révélé si Chérif permettra de retrouver les dépouilles mortelles des deux colonels morts au combat en mars 1959, mais ces révélations étaient tellement explosives qu’il n’en sera jamais fait état. Cherif Mahdi, officier en retraite, ancien secrétaire général de l’état-major de 1963 à 1967, fait aujourd’hui œuvre de salubrité historique en dévoilant la vérité. Il dit quand, comment et par qui les restes des deux martyrs ont été retrouvés et surtout par qui et pourquoi ils ont été frappés de séquestre. L’Histoire lui en sera reconnaissante.

    1978.... Le pouls du pays bat au ralenti. Boumediène est malade. Boumediène agonise. Tout ce que l’Algérie possède comme compétences scientifiques, comme ressources, comme entregent diplomatique international, tout ce que la planète compte comme sommités médicales, est mobilisé par l’entourage du président pour contrecarrer le destin. Les services de sécurité sont sur le quivive afin que la transition, que Merbah et quelques hauts dignitaires de l’armée ont décidée, se déroule selon leur canevas. Chadli, coopté par ses pairs, est plébiscité par le 4e congrès du FLN. Il devient président de la République. Avec la disparition du grand gladiateur tout devient possible : l’élargissement de Ben Bella, le retour d’exil des opposants (Aït Ahmed, Tahar Zbiri, Bachir Boumaza …), la libération du commandant Amar Mellah et de ses compagnons emprisonnés dans des conditions inhumaines. C’est le début de la fin de l’ère du «nacht and nebel» (nuit et brouillard) imaginé par Himmler à l’usage de ses contemporains. Le dégel n’est pas encore visible, mais la banquise craque de toutes parts. Les patrons de la police et de la gendarmerie recommencent à appréhender leur environnement au-delà du glacis où ils ont si longtemps monté la garde. Les machineries de l’ancien système sont portées à la connaissance du nouveau président de la République, lequel va de surprise en effarement. Chadli, l’ingénu, découvre, qu’en réalité, il ne savait pas grand-chose dans sa lointaine satrapie d’Oran. Nordine Aït Hamouda frappe à toutes les portes pour essayer de savoir ce qu’est devenue la dépouille mortelle de son père. Il écrit à des généraux français. Il enquête dans la région de Bou Saâda. En vain ! Le temps passe. Après avoir consulté Abdelhamid Djouadi, lequel était toujours en activité dans les rangs de l'ANP et tenu à l’obligation de réserve, et après avoir obtenu son plein accord, je suis allé trouver Tahar Zbiri qui venait de rentrer d’exil. Je lui ai fait part du secret que je détenais : les conditions dans lesquelles les restes d’Amirouche et de Haouès ont été découverts et exhumés en décembre 1962. J’ai parlé à Tahar Zbiri en ces termes : Le 7 décembre 1962, un officier de l’ancien CDF (Commandement des Frontières), Cherif Zouaïmia, se déplace de Annaba, où il est affecté, sur Alger pour prendre attache avec le MDN, passant pardessus toute sa hiérarchie. Zouaïmia est originaire de la région de Souk Ahras. Les Zouaïmia sont également nombreux à Sédrata. Mohamed Maârfia, à l’époque, toujours secrétaire du colonel Zbiri, connaît bien Chérif, comme le connaissent tous ceux qui étaient au CDF pendant les deux dernières années de la guerre de Libération. «C’est un homme sérieux, m’a-t-il affirmé. Ce manquement à la discipline est motivé par une affaire peu commune. Tu l’écouteras, puis tu verras ». J’étais à l’époque responsable de la sécurité au MDN. Introduit auprès de moi, Zouaïmia dit avoir été contacté par un officier français, replié avec son unité sur Annaba en attendant le bateau qui doit les rapatrier. Le replié désire rencontrer un responsable militaire de niveau national pour monnayer un renseignement important qu’il détient. J’interroge longuement Zouaïmia. Ce dernier ne peut m’en dire davantage. Abdelkader Chabou et Houari Boumediène sont immédiatement mis au courant. Les deux patrons du MDN sont intrigués. Ils décident de m’envoyer à Annaba accompagné d’un autre officier, Abdelhamid Djouadi, pour rencontrer le Français. Nous prenons la route le 8 décembre 1962. Nous passons la nuit chez le père de Zouaïmia, vitrier de son état. Le lendemain, un rendez-vous est pris avec le porteur du secret. La rencontre a lieu dans un petit appartement non loin du port. L’officier français est introduit par Zouaïmia. Il est corpulent, très blond, il a les yeux clairs. Le Français se présente : «Je suis le capitaine Jean-Louis Gallet. Je connais l’endroit exact où sont enterrés Amirouche et El Haouès. Je vous l’indique, contre… l’autorisation de convoler avec ma fiancée de confession musulmane et je vous donnerai aussi le détail de l’opération qui a ciblé vos deux chefs de wilaya. J’y étais.» Manifestement, l’homme ressassant des souvenirs de l’après-guerre en France, craignait pour son amie le sort qui a été celui des Françaises convaincues de «crime» d’alcôve avec des soldats de la Wehrmacht. Nous promettons, bien sûr, de faciliter les épousailles. Le capitaine Gallet nous confie alors un plan et il le commente : «Vos deux colonels sont enterrés à 70 cm de profondeur, à l’intérieur de la caserne d’Aïn El Melh, située à une trentaine de kilomètres de la ville de Bou Saâda. Quand vous serez à l’intérieur de la caserne, vous mesurerez 73 mètres parallèlement au mur d’enceinte, à partir du mirador et 17 mètres à partir du pied du mât de levée des couleurs. Dans le corps du mât est sertie une croix d’agate, l’emblème de mon régiment.

    Le colonel Chabou : «Vous garderez le secret jusqu’à la tombe !»

    La tombe — une tombe commune — se trouve au sommet de l’angle droit formé par l’intersection de ces deux lignes. En plus de ce plan, je vous donne également ce document écrit de ma main qui relate les péripéties du combat à l’issue duquel Amirouche et El Haouès sont morts. Ce sont des paysans qui nous ont renseignés sur la présence de grands chefs à Djebel Thameur. Nous n’étions pas au courant avant. Nous ne savions pas qu’il s’agissait d’Amirouche. Nous l’avons su une fois des prisonniers entre nos mains.» Plus tard, je saurais que le capitaine Gallet était le chef de la première compagnie du 6e régiment du colonel Ducasse et qu’il était effectivement sur le champ de bataille. Pressés de rendre compte à notre hiérarchie, nous reprenons la route d’Alger, après avoir recommandé à Zouaïmia de garder le contact avec le Français. Houari Boumediène et Abdelkader Chabou, après avoir pris possession du texte remis par le capitaine français concernant le dernier combat d’Amirouche et nous avoir écoutés, nous donnent l’ordre de nous rendre, via Bou Saâda, à Aïn El Melh, immédiatement. Nous avons pour mission de vérifier, bien sûr, la véracité des dires de Jean-Louis Gallet, de nous assurer qu’il s’agit bien des restes des deux colonels, puis d’aviser le secrétaire général du MDN et d’attendre sur place les instructions. Je prends avec nous deux autres militaires, en l’occurrence les futurs colonels Mostefa Ayata et Boukhelat Mohamed, (ce dernier est toujours de ce monde) originaires, tous les deux, de Bou Saâda. La nuit du 12 au 13 décembre est bien avancée, lorsque nous arrivons à Bou Saâda. Nous passons la nuit auprès de la famille de Boukhelat Mohamed. Le lendemain, 13 décembre vers 8 heures, nous franchissons le portail d’entrée de l’ancienne caserne française. Nous commençons à creuser, après avoir mesuré les distances selon les indications du plan remis par le capitaine Gallet. Nous ne trouvons rien. Nous sommes déçus. En regardant de nouveau le plan, nous nous apercevons que nous avons fait une erreur. Nous avons interverti les points de départ. Nous reprenons le travail. Après une demi-heure d’effort, à exactement 70 cm sous la surface du sol, quelque chose apparaît… deux corps ! Deux corps littéralement emmaillotés ensemble par une corde en alpha tressée. Nous les exhumons avec précaution pour ne pas désarticuler les squelettes. Des lambeaux de treillis collent encore aux ossements. Horrible détail, Amirouche et El Haouès ont été décapités et enterrés tête bêche. Nous récitons la Fatiha. Abdelhamid Djouadi, moudjahid de la première heure, ancien de la Wilaya III, reconnaît Amirouche à sa dentition. Nous enveloppons les deux martyrs dans des linceuls. Nous nous penchons à tour de rôle sur le tissu blanc et nous posons nos lèvres, pieusement, à la hauteur du front de chaque crâne. Nous sommes émus aux larmes. Le moment d’émotion passé, nous avisons Alger et nous attendons sur place. Deux heures s’écoulent. L’ordre tombe. «Secret total. Remettez les corps à la gendarmerie de Bou Saâda. Ne rien dire aux gendarmes sur l’identité des morts. Rentrez sur Alger.» Nous déposons les corps, marqués chacun d’un numéro d’identification, auprès de la brigade de gendarmerie de Bou Saâda et reprenons la route vers la capitale. La suite se déroule dans le bureau de Chabou. Elle tient en quelques mots : «Vous garderez le silence jusqu’à la tombe sur votre mission. C’est une affaire d’Etat. Pas un mot à quiconque. Vous en répondrez sur vos vies !» Je me vois confier une dernière mission : faire enterrer Amirouche et El Haouès dans le plus grand secret au cimetière d’El Alia. C’est ce que je ferai, quelques jours plus tard, lorsque les deux corps, placés dans des cercueils, arriveront de Bou Saâda. La tombe d’Amirouche portera le n° 5487 et celle d’El Haouès le n° 5488 (54 pour le signe de Novembre. 8, pour la date de départ sur Annaba. Le 7 et le 8 pour différencier les deux chahids). Peu de temps après, je suis envoyé en Amérique latine en stage. Mon compagnon Abdelhamid Djouadi à Moscou. Avant mon départ, je suis convoqué devant Boumediène. Une fois dans son bureau, il me donne l’ordre de passer les consignes à Kasdi Merbah, désigné à la tête de la SM. Je salue militairement le président et je me retire. Je suis rappelé tout de suite après. Boumediène me fixe longuement et, sans dire un seul mot, met l’index en travers de ses lèvres. Je n’ai pas besoin d’un dessin. Je comprends de quoi il s’agit : «Le dossier» Amirouche ne fera pas partie des chemises à transmettre à Merbah. Pendant plus de vingt ans, un rideau noir, lourd, opaque, tombe sur la découverte des ossements des deux colonels et sur l’endroit où ils sont enterrés. Lorsque Tahar Zbiri reçoit mes confidences, il demande à Ouamrane et à Salah Boubnider de venir chez lui le plus rapidement possible. Les deux colonels, intrigués, ne se le feront pas dire deux fois. Ils sont chez lui, dans l’après-midi même. Zbiri les met au courant de ce qu’il vient d’apprendre de moi. Ouamrane éclate en «assiaaka en’Boumediène» à répétition. Boubnider hoche la tête avec incrédulité. Les trois colonels décident d’informer le président de la République. C’est ce qu’ils feront par le biais de Hadi Khédiri (qui vient de nous quitter, hélas). Kasdi Merbah, appelé par Bendjedid, disculpe la SM. «Les services dont j’étais le chef sont en dehors de cela. J’ignore tout de cette affaire !» Et c’est vrai ! Le président ordonne à Hadi Khédiri et à Mustapha Cheloufi, chef de la gendarmerie, d’ouvrir une enquête. La première chose à faire est de retrouver les cercueils, puis de vérifier qu’il s’agit bien des restes d’Amirouche et d’El Haouès. Les cercueils ne sont plus dans les tombeaux où je les ai personnellement enterrés. Il apparaîtra bientôt qu’ils ont été exhumés, peu avant le 19 juin et confiés «aux bons soins» de Ahmed Benchérif. De questions en investigations, en démolition de cloisons et autres remue-ménage, les cercueils sont découverts dans les sous-sols de la gendarmerie. Sur ordre de Chadli, Benchérif est officiellement auditionné par les trois chefs des services de sécurité réunis. Bencherif confirme et se cache derrière les ordres reçus. Que faire ? Le contexte politique, avec l’éclosion récente du Printemps berbère et les difficultés qui en découlent toujours pour le pouvoir, qui craint un retour de flammes, impose d’agir avec circonspection. A la moindre imprudence, la situation en Kabylie risque d’échapper à tout contrôle. Mais il n’y a plus à attendre au risque de paraître couvrir le sacrilège. Bendjedid a beau tourner autour de la question, non pour éluder ce qu’il y a lieu de faire désormais, parce qu’il est décidé à ne couvrir en aucun cas la faute gravissime de son prédécesseur, mais pour comprendre ce qui a pu la justifier. Il ne trouve rien. Tous ceux qu’il interroge s’accordent à dire que personne dans l’entourage du «patron» n’a accouché de l’idée. C’est Boumediène, uniquement lui, qui est l’auteur, à part entière, de la lettre de cachet. Chabou a pris bonne note et a assuré le suivi technique. Benchérif a exécuté. Ce dernier obéissait à Boumediène et même plus, car il y avait affinités. Cette version algérienne, cette version macabre du masque de fer, a d’emblée connu la consigne du secret. Elle renseigne sur la réaction spontanée, immédiate, «naturelle» de Houari Boumediène à agir selon sa perception personnelle de tous ceux qui par l’ancienneté, le prestige, les états de service, l’aura, rapetissent sa stature ou mettent en danger sa quiétude. Dans la somme des actes que cet homme a commis au cours de sa longue carrière de dictateur, l’acte sacrilège perpétré en 1962 est le summum des méfaits qu’un homme peut commettre pour la passion du pouvoir. Cet acte est révélateur de sa vraie personnalité. La cave de Benchérif, c’est en réalité tout le drame intime de Houari Boumediène, son pitoyable huis clos. Aucune raison d’Etat valable, aucun argument cohérent, aucune justification plausible : «l’oubli», «les évènements de 1963-1964 en Kabylie», «l’attente de circonstances plus favorables» (lesquelles ?), rien ne peut excuser ce qui a été commis. Les vraies raisons du séquestre ne sont pas officiellement avouables : c’est, pêle-mêle, le refus de donner aux Kabyles un lieu de pèlerinage et de recueillement, c’est la volonté d’amoindrir les sacrifices de ce haut lieu de la résistance en lui confisquant ses symboles. Khediri, homme de cœur et de conviction, pour couper court à toutes les tergiversations, pointe du doigt le danger : «Si on avait voulu singulariser la Kabylie et la provoquer on n’aurait pas trouvé “mieux”. Il faut réparer !» L’indignation de Bendjedid, devant le sort fait aux deux glorieuses reliques, encourageait Khédiri à demander le maximum : une annonce solennelle, des obsèques nationales, le Carré des martyrs et la présence au cimetière du chef de l’Etat en personne. Bendjedid répondra par un laconique et généreux «maâloum». La postérité lui en tiendra compte. Le reste est connu.

    C. M.

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