• PV audition B. Bella / 1950

                                                  PV audition B.Bella / 1950

     

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    Procès-verbal d'audition du nommé Ben Bella Mohamed
    Alger, le 12 mai 1950 le procès verbal de BenBella fait devant la police française ou il a dénoncé tous les militants de l OS qui ont participé au vol de la poste d ORAN.

    L'an mil neuf cent cinquante et le douze du mois de
    mai, Devant nous, Havard Jean, commissaire
    de la police des renseignements généraux, officier
    de police judiciaire, auxiliaire de M. le procureur
    de la République. Agissant en exécution de la commi
    ssion rogatoire n°34 du 7 avril 1950 de M.
    Catherineau, juge d'instruction près le tribunal de
    première instance de l'arrondissement de Tizi-
    Ouzou, étant subdélégué.
    Assisté de l'inspecteur officier de police judiciai
    re Tavera René de notre service. Pour faire suite
    aux renseignements contenus dans la déclaration de
    Belhadj Djillali Abdelkader Ben Mohamed,
    entendons le nommé Ben Bella Mohamed qui nous décla
    re : Je me nomme Ben Bella Mohamed
    Ben Embarek, né le 25 décembre 1916 à Marnia (dépar
    tement d'Oran, arrondissement de
    Tlemcen), fils de Embarek Ben Mahdjoub et de SNP Fa
    tma Bent El Hadj, célibataire.
    J'ai exercé la profession de cultivateur à Marnia.
    Actuellement, je suis permanent rétribué du parti
    politique MTLD. J'habite Alger, chez Mme Ledru, 35,
    rue Auber. J'ai fait mon service militaire en
    qualité d'appelé au 141 RIA à Marseille. J'ai fait
    la campagne de France 1939-1940, puis la
    campagne d'Italie. J'ai été démobilisé avec le grad
    e d'adjudant en juillet 1945. Je suis titulaire de
    la
    médaille militaire avec 4 citations. Je n'ai jamais
    été condamné, je suis lettré en français et
    quelque peu en arabe.
    J'ai fait mes études primaires au collège de Tlemce
    n (EPS) jusqu'au brevet. Mes études
    terminées, je suis retourné chez moi, dans ma famil
    le à Marnia, où j'ai aidé mon père qui possédait
    un café fondouk et du terrain de culture. J'ai été
    appelé sous les drapeaux en 1937 et, comme je
    vous l'ai dit plus haut, j'ai fait la campagne de F
    rance et d'Italie pour être démobilisé en juillet 1
    945.
    Pendant toute cette période, je n'ai pas eu d'activ
    ité politique. J'ai commencé à faire de la politiqu
    e
    juste après ma démobilisation. Je me suis inscrit a
    ux AML (Amis du manifeste et de la liberté) mais
    je n'avais aucune fonction particulière ni aucune r
    esponsabilité. Aux élections municipales de fin
    1945 ou début 1946, je me suis présenté sur une lis
    te d'union indépendante.
    J'ai été élu et c'est quelques mois après cela que
    j'ai été sollicité par le PPA pour entrer dans le
    parti et organiser une section politique à Marnia.
    J'ai organisé la section de Marnia, puis ai été
    chargé de prospecter la région en vue de créer part
    out des noyaux politiques. C'est ainsi que j'ai
    eu l'occasion de me déplacer à Sebdou, Turenne, Hen
    naya et Nemours. Je n'ai pas obtenu les
    résultats escomptés.
    Je suis resté à Marnia jusqu'au début de l'année 19
    48. Un mois environ avant les élections à
    l'assemblée algérienne (avril 1948) le chef de la r
    égion politique qui m'avait contacté m'a fait
    connaître que je devais aller à Alger me mettre à l
    a disposition d'un certain Madjid. L'endroit de la
    rencontre, un café actuellement fermé, qui se trouv
    e aux environs de Monoprix à Belcourt, le jour
    et l'heure m'ont été fixés.
    Je devais me présenter à ce café maure avec un jour
    nal. Je ne me souviens plus exactement de
    quel journal il s'agissait, mais je me souviens qu'
    il y avait un mot de passe. C'est ainsi qu'à l'heur
    e
    indiquée, j'ai rencontré Madjid. Je le voyais pour
    la première fois. Il m'a dit dans les grandes ligne
    s
    ce que le parti attendait de moi. Une organisation
    paramilitaire, super clandestine venait d'être
    créée et le parti me mettait à la disposition de ce
    tte formation.
    Je vous précise qu'à ce moment-là, le MTLD existait
    et que j'en faisais partie. C'est donc ce parti
    politique qui m'a mis à la disposition de cette org
    anisation paramilitaire qui prenait le titre de l'O
    S
    (Organisation spéciale). Madjid m'expliqua en outre
    qu'il fallait obtenir la libération de l'Algérie p
    ar
    la force et que seule la violence était susceptible
    de nous faire atteindre l'objectif. J'étais désign
    é
    pour prendre la direction de l'OS en Oranie.
    Partout, dans les villes, je devais créer des group
    es comptant un chef et trois éléments. C'est ce
    que nous avons appelé l'organisation «quatre-quatre
    ». C'est au cours de contacts successifs que
    Madjid m'a expliqué le détail de ma mission. Durant
    mon séjour à Alger, j'ai fait la connaissance de
    Belhadj Djillali Abdelkader, Reguimi et Maroc.
    Avec Madjid, nous constituions une sorte d'état-maj
    or qui devait élaborer le plan d'instruction et de
    formation militaires. Belhadj Djillali était chargé
    de la rédaction des cours d'instruction militaire
    que
    nous supervisions, approuvions ou modifions en séan
    ce de comité.
    Quelques mois à peine, après les élections à l'asse
    mblée algérienne, pour mettre en pratique ce
    que nous avions élaboré en théorie, avec le chef na
    tional Madjid et le comité d'état-major, nous
    avons décidé d'effectuer un peloton d'instruction à
    la ferme de Belhadj, au douar Zeddine, près de
    Rouina.
    Nous sommes restés là sept jours au cours desquels
    nous avons fait des exercices de tir au «colt»
    et de l'instruction individuelle technique du comba
    ttant. Nous disposions de deux «colts» dont l'un
    appartenait à Madjid, l'autre à Belhadj.
    J'ai commencé à organiser à Oran où j'ai désigné co
    mme chef un certain Belhadj, employé à la
    mairie, au service du ravitaillement. Puis j'ai nom
    mé à Tiaret comme responsable de notre
    organisation un certain Saïd, tailleur.
    Par la suite, j'ai organisé Relizane, Mostaganem et
    Tlemcen. J'ai placé à la tête de ces trois
    derniers centres respectivement Benatia, conseiller
    municipal, Fellouh, gargotier, et un troisième à
    Tlemcen dont je ne me souviens plus du nom. Je suis
    resté à la tête du département d'Oran
    jusqu'en avril 1949.J'ai été rappelé par le parti à
    la politique.
    Durant mes fonctions de chef de département, je ven
    ais assez régulièrement à Alger où
    j'effectuais des liaisons avec Madjid. Nous nous ré
    unissions environ une fois par mois pour faire le
    point sur la situation de l'organisation paramilita
    ire.
    Je retrouvais là mes camarades de l'état-major. Ces
    petites réunions mensuelles duraient deux ou
    trois jours et à chacune d'elle nous avions le soin
    de fixer le lieu, la date et l'heure de la prochai
    ne.
    Au sujet des armes d'instruction de mon département
    , elles n'ont pas été livrées par Alger, mais
    achetées sur place à Oran disposait de quelques rev
    olvers 7,65, de deux colts et d'une mitraillette
    allemande qui, je crois, est celle qui a servi à l'
    attaque de la poste d'Oran. Je vous parlerai plus
    tard en détail de cette affaire.
    Pour les autres régions, je ne me souviens plus de
    la nomenclature des armes, il n'y en avait pas
    beaucoup. J'ai été remplacé par Boutlelis Hamou à l
    a tête du département d'Oran. A Alger, le parti
    m'a placé à la tête du CO (comité d'organisation).
    Ma mission consistait en la réception des
    rapports des différentes wilayas d'Algérie, que je
    transmettais au parti. En retour, j'adressais à ces
    dernières les instructions données par la direction
    politique.
    Les réunions de wilaya avaient lieu mensuellement e
    t chacun des chefs apportait personnellement
    son rapport. J'ai assumé ces fonctions jusqu'en sep
    tembre 1949. A ce moment-là, le chef national
    de l'OS, Madjid, est passé au berbérisme et le part
    i, en la personne de Khider, m'a chargé de
    m'occuper de l'OS.
    Durant trois mois, c'est-à-dire octobre, novembre e
    t décembre, j'ai donc cumulé les fonctions de
    chef du comité d'organisation et de chef national d
    e l'OS. A partir de décembre, j'ai abandonné
    mes fonctions spécifiquement politiques pour me con
    sacrer à l'organisation paramilitaire. J'ai été
    remplacé au comité d'organisation par Saïd Hamrani.
    Depuis la fin 1948, le coup d'Etat berbériste
    était en préparation, et peu à peu les rangs de l'O
    S se vidaient.
    Cette crise a atteint son paroxysme au moment où Ma
    djid a été mis dehors par le parti. C'est, je
    crois, en juillet-août 1949.Quand j'ai repris l'OS,
    la situation n'était pas brillante. Alger se
    subdivisait en trois régions, Oran et Constantine e
    n deux. J'ai dû supprimer cette fragmentation et
    les trois départements ne formèrent plus qu'un seul
    bloc.
    A la tête du département d'Alger, j'ai placé Reguim
    i Marc, avec comme adjoint, Larbi, celle du
    Constantinois, Belhadj Djillali, conservait sous mo
    n autorité la direction des trois départements en
    ce qui concerne l'organisation paramilitaire. A la
    tête du service général, en remplacement de Ould
    Hamouda, arrêté, je plaçais Yousfi Mohamed. A la su
    ite de la démission du docteur Lamine
    Debaghine, l'OS a subi une nouvelle crise. Belhadj
    Djillali était mis en veilleuse et remplacé par
    Reguimi. Il était accusé de s'occuper beaucoup plus
    de son commerce que de l'organisation.
    Alger, Oran et Constantine étaient respectivement d
    irigés par Boudiaf, Abderrahmane et Larbi.
    Maroc était rappelé à la politique. Yousfi conserva
    it toujours la direction du service général qui
    s'enrichissait d'un groupe sanitaire. Je sais que l
    e réseau complicité passait sous la direction de
    Ben Mahdjoub, Arab Mohamed conservant le service de
    s artificiers.
    J'ignore quels étaient les responsables d'autres se
    ctions. A ce moment-là, l'OS avait la structure
    suivante : Un chef national placé sous l'autorité d
    u parti. J'avais sous mes ordres un chef pour les
    trois départements et un chef de service général. C
    haque département était placé sous l'autorité
    d'un responsable duquel dépendaient plusieurs chefs
    de zones.
    Pour Alger, il y en avait six ou huit : pour Oran,
    il y en avait un, enfin pour Constantine, quatre ou
    cinq. Tous les membres de l'OS, du chef national ju
    squ'au chef de zones, y compris le chef du
    réseau de complicité et le chef des artificiers, ét
    aient des permanents du parti politique M.T.L.D,
    mis à la disposition de l'organisation paramilitair
    e. Ils touchaient un traitement mensuel.
    Les chefs de chaque département, le chef des trois
    départements, le chef du service général et
    moi-même percevions une mensualité de quinze mille
    francs, alors que les chefs de zones, le chef
    du réseau complicité et celui des artificiers perce
    vaient douze mille francs par mois. Je vous ai dit
    qu'en ma qualité de chef national de l'OS, je dépen
    dais directement du parti.
    J'étais placé sous l'autorité directe du député Khi
    der. C'est à lui et à lui seul que je rendais compt
    e
    de l'activité de la formation paramilitaire. C'est
    de lui et de lui seul que je recevais les directive
    s et
    les cosignes. Aucune décision grave, aucune réforme
    importante n'était prise sans en référer au
    député Khider. C'est d'ailleurs lui, qui, chaque mo
    is, me remettait les fonds nécessaires à la
    rétribution des permanents de l'OS.
    Nous avions l'habitude de nous rencontrer une fois
    par mois, soit place de Chartres soit au 13 de
    la rue Marengo, soit dans un autre endroit quelconq
    ue. Il est évident que je le voyais d'autres fois
    à la permanence politique, mais pour l'OS, les cont
    acts étaient mensuels. Aux différents cas que je
    lui soumettais et suivant leur importance, Khider l
    es tranchait immédiatement ou me demandait un
    temps de réflexion.
    Je suppose donc qu'il sollicitait quelquefois l'avi
    s du parti.Je veux maintenant vous expliquer les
    conditions dans lesquelles l'OS a été créée. Dans l
    e M.T.L.D, comme dans tous les partis
    politiques, il y a ce qu'on appelle les détracteurs
    . Il y a les réfléchis, les pondérés, les exaltés,
    les
    violents qui trouvent qu'on n'en fait jamais assez
    et qui nous disaient que la libération du territoir
    e
    national n'allait pas assez vite. C'est dans cette
    atmosphère et pour faire face au discrédit que le
    parti a décidé, pour montrer sa force et sa volonté
    d'action, de créer une organisation paramilitaire.
    Cette formation, qui avait pur but la libération de
    l'Algérie, ne devait intervenir qu'en cas de confl
    it
    extérieur avec la France ou de conflit intérieur gr
    ave. Et c'est toujours sous la pression des
    perturbateurs et pour céder à leurs exigences que c
    ertains actes de violence ont été commis.
    Parmi eux, je citerai le cas de l'attaque de la pos
    te d'Oran. Je vous le dis immédiatement, il s'agit
    d'un coup de force exécuté par l'OS. Après le dépar
    t de certains éléments troubles tels que Madjid,
    par exemple, et à la lueur de l'expérience acquise,
    il était avéré que l'OS n'était pas viable. Le par
    ti
    avait décidé de la supprimer. C'est ainsi que peu à
    peu, les éléments et les permanents qui étaient
    rappelés à la politique n'étaient pas remplacés. L'
    ordre formel avait d'ailleurs été donné à tous les
    élus M.T.L.D qui avaient été mis à la disposition d
    e l'OS d'avoir à réintégrer le parti.
    A plusieurs reprises, je vous ai parlé de l'attaque
    à main armée perpétrée contre la poste d'Oran.
    Je viens de vous dire qu'il s'agissait d'une manife
    station de l'OS, que ce coup de force avait été
    tenté pour satisfaire aux exigences des trublions p
    olitiques du M.T.L.D. Je vais donc par le détail
    vous dire tout ce que je sais sur cet attentat. Au
    début de l'année 1949, le M.T.L.D. subissait une
    crise financière assez aiguë et cela s'ajoutait aux
    tiraillements politiques.
    Je ne peux pas vous dire absolument si c'est Madjid
    qui était à ce moment-là le chef national de
    l'OS ou bien le député Khider, qui a imaginé ou con
    çu ce coup de force. En tout cas, ce que je puis
    vous affirmer, c'est qu'ils étaient au courant des
    faits, et que cette affaire n'a pas pu se réaliser,
    à
    condition que ce soit Madjid qui l'ait conçue, sans
    en conférer à Khider.
    D'ailleurs, par la suite, lorsque j'étais chef nati
    onal de l'OS, les conversations que j'ai eues avec
    Khider m'ont démontré qu'il était parfaitement au c
    ourant des faits. C'est au cours d'une réunion de
    l'état-major de l'OS, à Alger, que Madjid nous a fa
    it connaître l'intention du parti d'attaquer la pos
    te
    d'Oran, pour se procurer de l'argent. Il m'a chargé
    de trouver sur place, à Oran, un local où nous
    pourrions en toute quiétude mettre sur pied le plan
    de réalisation d'une telle opération. Dès le
    début, nous avons désigné pour l'exécution Bouchaïb
    , de Temouchent, qui devait diriger
    l'expédition, Fellouh, de Mostaganem, Kheder, le ch
    auffeur d'Alger, tous trois membres de l'OS.
    Cette équipe devait être complétée par trois ou qua
    tre éléments supplémentaires choisis parmi les
    membres de l'OS ou des maquisards.
    Ces grandes lignes arrêtées, il était convenu que l
    'affaire se ferait au début du mois de mars et
    que Madjid viendrait à Oran, une quinzaine de jours
    avant, pour le montage définitif.Je suis rentré
    à Oran et j'ai immédiatement songé à utiliser le lo
    cal dont le parti disposait, 1, rue Agent Lepain, à
    Gambetta, et j'en ai avisé Madjid. Il est arrivé ve
    rs le 20 février à Oran et a logé au local. J'ai om
    is
    de vous dire qu'il était accompagné de Khider. Ils
    ont été rejoints par les permanents Bouchaïb, de
    Temouchent et Fellouh de Mostaganem. Trois maquisar
    ds sont arrivés d'Alger quelques jours
    après. Je suppose qu'ils ont été désignés par Ould
    Hamouda, qui, à l'époque, devait être chef du
    réseau de complicité, par sa qualité de chef du ser
    vice général. Ils ont certainement été reçus à la
    gare d'Oran par Bouchaïb qui les a conduits au loca
    l de la rue Agent Lepain.
    Comme cela est de coutume chez nous, ils devaient t
    rès probablement avoir un mot de passe et
    un journal, signe de reconnaissance. Je dois vous d
    ire que c'est Madjid qui détenait les fonds
    nécessaires à la nourriture et qu'ils faisaient eux
    -mêmes leur popote. A cette époque, le parti
    m'avait rappelé à la politique. J'avais déjà pris m
    es consignes à Alger et j'étais en train de passer
    celle de l'OS, du département d'Oran à Boutlelis Ha
    mou.
    Je ne pense pas que ce dernier à ce moment fût au c
    ourant de cette première affaire. Pour ma
    part, il avait été décidé que, deux ou trois jours
    avant le coup, je devais me créer un alibi en allan
    t
    me reposer dans ma famille à Marnia, puis le lendem
    ain de l'attentat me rendre à Alger pour y
    rencontrer Madjid.Environ six jours avant l'attaque
    de la poste, avec Madjid et l'équipe, nous avons
    tenu une réunion pour exhorter les exécutants à fai
    re ce que commandait le parti.
    Pour cette réunion, Madjid et moi avons revêtu des
    cagoules noires du groupe de l'OS, d'Oran.
    Elles nous arrivaient jusqu'à mi-corps, nous étions
    assis dans la grande pièce centrale, face à la
    porte dissimulant nos pantalons par une couverture.
    C'est Bouchaïb qui nous a fait rentrer dans ce loca
    l et c'est lui qui a introduit les éléments, alors
    que nous avions la face voilée. C'est Madjid qui a
    pris le premier la parole. Il s'est adressé à
    l'auditoire en langue arabe et a dit en substance :
    «Le parti a besoin d'argent, vous avez juré de lui
    obéir et il compte sur vous pour exécuter fidèlemen
    t la mission qui vous a été confiée.»Il a
    expliqué succinctement qu'il s'agissait d'attaquer
    la poste d'Oran pour se procurer l'argent de la
    caisse de la recette. Il a ajouté que les détails c
    omplémentaires seraient fournis en temps utile par
    Bouchaïb.
    J'ai ensuite pris la parole en langue arabe pour co
    nfirmer ce qu'avait dit Madjid. Ici, je vous dois
    une explication. Dans les conversations préliminair
    es avec Madjid, il avait été décidé d'utiliser un
    taxi volé à son propriétaire. Madjid avait minutieu
    sement étudié les détails de tout cela. Comme il
    avait été convenu, je me suis rendu à Marnia.
    L'opération, autant qu'il m'en souvienne, avait été
    fixée pour le 3 ou le 4 mars. Dès cette date
    écoulée, j'ai pris le train à destination d'Alger o
    ù j'avais rendez-vous avec Madjid. Je l'ai
    effectivement rencontré et il m'a expliqué comment
    l'affaire n'avait pas réussi du fait d'un mauvais
    fonctionnement de la voiture restée en panne à prox
    imité de la poste.
    Quelques jours après, l'état-major de l'OS s'est ré
    uni et nous avons décidé que cette affaire serait
    reportée au 4 ou au 5 avril 1949. Je suis retourné
    à Oran, où je devais terminer de passer mes
    consignes à Boutlelis. Madjid m'a rejoint vers les
    23 ou 24 mars, et comme précédemment, il a
    logé au local de la rue Agent Lepain. Là, il a retr
    ouvé les éléments, c'est-à-dire Bouchaïb, Khider,
    Messaoud Soudani, qui était permanent rétribué du p
    arti, chef de zones d'Oran centre, un certain
    X de Palikao, qui avait remplacé Fellouh et deux de
    s trois maquisards de la première opération, le
    troisième ayant, je crois, rejoint Alger.
    Cette fois, je n'ai pas paru au local. Je prenais c
    ontact avec Madjid à l'extérieur. Il avait été déci

    que le coup se ferait le 5 avril au matin et comme
    la première fois, on devait utiliser un taxi volé.
    Pour ma part, je devais rejoindre Alger deux ou tro
    is jours avant la date et revenir à Oran par le
    train de jour qui arrive à quinze heures.
    Madjid, lui, devait rentrer à Alger la veille, en p
    renant le train qui part d'Oran à vingt-deux heures
    environ. Ces consignes ont été scrupuleusement resp
    ectées et le 5 avril vers 13h je suis arrivé à
    Oran. A la sortie de la gare, j'ai rencontré Souida
    ni qui m'a mis au courant du déroulement de
    l'affaire, me signalant qu'il avait été impossible
    d'utiliser un taxi, les chauffeurs étant très méfia
    nts
    et qu'ils avaient dû user d'un subterfuge en se ser
    vant d'un docteur et de sa traction avant. Il m'a
    dit que l'argent se trouvait dans le local.
    C'est par le journal du soir Oran-Soir que j'ai con
    nu le montant du vol et appris certains autres
    détails. Je devais reprendre le train du soir pour
    rendre compte de ma mission à Madjid. J'ai pris
    contact avec Boutlelis que j'ai mis au courant des
    faits, le chargeant en sa qualité de chef de
    département de veiller à la sécurité des éléments q
    ui avaient perpétré le coup, et au moment du
    vol.
    Vers 17h30, ce même jour, j'ai vu Soudani et je lui
    ai dit de prendre contact avec Boutlelis, duquel
    il recevrait des instructions ultérieures susceptib
    les de parer à toute éventualité. Dès le matin,
    j'étais rentré à Alger par le train de la veille, a
    u soir, j'ai pris contact avec Madjid auquel j'ai r
    endu
    compte de ma mission. Là, se terminait mon rôle.
    Par la suite, j'ai appris par Madjid lui-même que l
    'argent avait été transporté chez Boutlelis où le
    député Khider devait en prendre livraison. Ce fait
    m'a été confirmé par lui-même au cours de
    discussions et de conversations que nous avons eues
    alors que j'étais responsable du CO, puis
    chef national de l'OS. Le produit du vol a été enti
    èrement versé au M.T.L.D. par Khider, la somme
    d'argent découverte chez Kheder le chauffeur représ
    entait un prêt consenti par l'OS pour lui
    permettre de monter un garage personnel.
    Je ne vois rien d'autre à vous dire sur l'affaire d
    e la poste d'Oran. Si par la suite il me revenait
    certains détails, je ne manquerai pas de vous en fa
    ire part ou de les dire au juge d'instruction. A
    l'instant, il me souvient que c'est Madjid, avant d
    e prendre le train à destination d'Alger, qui a
    téléphoné ou qui est allé voir la femme du docteur.
    Les armes utilisées pour perpétrer l'attentat contr
    e la poste d'Oran appartiennent toutes à l'OS de
    cette ville.
    S.I. - La somme d'argent que vous avez trouvée dans
    ma chambre, soit deux cent vingt-trois mille
    francs, se décompose comme suit : trente-huit mille
    francs m'appartiennent en propre, dont quinze
    mille francs de ma permanence du mois en cours. Le
    reste représente la Caisse de l'OS,
    constituée en partie par des cotisations et les don
    s et en partie remises par le député Khider.
    S.I. - Le revolver P 38 de marque allemande que vou
    s avez découvert dans la poche de ma
    canadienne dans ma chambre est une prise de guerre
    de la compagne d'Italie.
    S.I. - La fausse carte d'identité, l'extrait de nai
    ssance au nom de Mebtouche Abdelkader, né le 9
    mars 1919 que vous avez trouvés dans ma chambre m'o
    nt été remis par le député Khider et ce,
    dans les conditions suivantes : quelque temps après
    l'attentat perpétré contre la poste d'Oran, la
    police est allée me chercher à Marnia, à mon domici
    le. Mes parents m'ont averti. C'est alors que
    j'ai demandé à Khider de me procurer de faux papier
    s. A sa demande, je lui ai remis deux
    photographies et quelques jours après, il m'a donné
    les papiers que vous avez découverts.
    S.I. - Je ne peux vous donner aucune indication sur
    les maquisards, je sais seulement qu'il y en
    avait deux, hébergés dans la région de l'Alma, un d
    ans la région de Cherchell, un en Oranie, dans
    la région de Saint-Cloud et deux dans Oran-ville ou
    aux environs immédiats. Pour ces trois
    derniers, je pense qu'Abderrahmane, actuellement ch
    ef de l'OS du département d'Oran, pourra
    vous dire exactement où ils se trouvent.
    Quant à Bouchaïb et Souidani, depuis l'affaire d'Or
    an, je ne les ai plus revus. Je ne me souviens
    du signalement que d'un maquisard. Je l'ai aperçu a
    lors que j'étais en cagoule. Il semblait être âgé
    d'une trentaine d'années, très brun, le nez épaté,
    petit et trapu.
    Lu, persiste, signe, signons. Et de même suite, dis
    ons que Ben Bella nous déclare : Aux mois de
    mars et d'avril, non : en avril seulement, pour l'a
    ttentat de la poste d'Oran, je me suis créé un alib
    i
    en passant la nuit qui a précédé cet attentat à l'h
    ôtel du Muguet, à Alger.
    Lu, persiste, signe, signons.
    Copie certifiée conforme
    Le greffier
    Signé : illisible*
    Texte reproduit intégralement conforme à l'original
    .
    ---------------------------------------------------
    ---------------------------------------------
    Ce PV a été publié le 21 Novembre 2002 par le quoti
    dien La Tribune à Alger

    « LES AMAZIGHS SE RÉVEILLENT! AMAZIGH ABLIDI, TAKURTEviter les pièges de la pensée / toupie.org. »
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