-
PV audition B. Bella / 1950
PV audition B.Bella / 1950
Procès-verbal d'audition du nommé Ben Bella Mohamed
Alger, le 12 mai 1950 le procès verbal de BenBella fait devant la police française ou il a dénoncé tous les militants de l OS qui ont participé au vol de la poste d ORAN.L'an mil neuf cent cinquante et le douze du mois de
mai, Devant nous, Havard Jean, commissaire
de la police des renseignements généraux, officier
de police judiciaire, auxiliaire de M. le procureur
de la République. Agissant en exécution de la commi
ssion rogatoire n°34 du 7 avril 1950 de M.
Catherineau, juge d'instruction près le tribunal de
première instance de l'arrondissement de Tizi-
Ouzou, étant subdélégué.
Assisté de l'inspecteur officier de police judiciai
re Tavera René de notre service. Pour faire suite
aux renseignements contenus dans la déclaration de
Belhadj Djillali Abdelkader Ben Mohamed,
entendons le nommé Ben Bella Mohamed qui nous décla
re : Je me nomme Ben Bella Mohamed
Ben Embarek, né le 25 décembre 1916 à Marnia (dépar
tement d'Oran, arrondissement de
Tlemcen), fils de Embarek Ben Mahdjoub et de SNP Fa
tma Bent El Hadj, célibataire.
J'ai exercé la profession de cultivateur à Marnia.
Actuellement, je suis permanent rétribué du parti
politique MTLD. J'habite Alger, chez Mme Ledru, 35,
rue Auber. J'ai fait mon service militaire en
qualité d'appelé au 141 RIA à Marseille. J'ai fait
la campagne de France 1939-1940, puis la
campagne d'Italie. J'ai été démobilisé avec le grad
e d'adjudant en juillet 1945. Je suis titulaire de
la
médaille militaire avec 4 citations. Je n'ai jamais
été condamné, je suis lettré en français et
quelque peu en arabe.
J'ai fait mes études primaires au collège de Tlemce
n (EPS) jusqu'au brevet. Mes études
terminées, je suis retourné chez moi, dans ma famil
le à Marnia, où j'ai aidé mon père qui possédait
un café fondouk et du terrain de culture. J'ai été
appelé sous les drapeaux en 1937 et, comme je
vous l'ai dit plus haut, j'ai fait la campagne de F
rance et d'Italie pour être démobilisé en juillet 1
945.
Pendant toute cette période, je n'ai pas eu d'activ
ité politique. J'ai commencé à faire de la politiqu
e
juste après ma démobilisation. Je me suis inscrit a
ux AML (Amis du manifeste et de la liberté) mais
je n'avais aucune fonction particulière ni aucune r
esponsabilité. Aux élections municipales de fin
1945 ou début 1946, je me suis présenté sur une lis
te d'union indépendante.
J'ai été élu et c'est quelques mois après cela que
j'ai été sollicité par le PPA pour entrer dans le
parti et organiser une section politique à Marnia.
J'ai organisé la section de Marnia, puis ai été
chargé de prospecter la région en vue de créer part
out des noyaux politiques. C'est ainsi que j'ai
eu l'occasion de me déplacer à Sebdou, Turenne, Hen
naya et Nemours. Je n'ai pas obtenu les
résultats escomptés.
Je suis resté à Marnia jusqu'au début de l'année 19
48. Un mois environ avant les élections à
l'assemblée algérienne (avril 1948) le chef de la r
égion politique qui m'avait contacté m'a fait
connaître que je devais aller à Alger me mettre à l
a disposition d'un certain Madjid. L'endroit de la
rencontre, un café actuellement fermé, qui se trouv
e aux environs de Monoprix à Belcourt, le jour
et l'heure m'ont été fixés.
Je devais me présenter à ce café maure avec un jour
nal. Je ne me souviens plus exactement de
quel journal il s'agissait, mais je me souviens qu'
il y avait un mot de passe. C'est ainsi qu'à l'heur
e
indiquée, j'ai rencontré Madjid. Je le voyais pour
la première fois. Il m'a dit dans les grandes ligne
s
ce que le parti attendait de moi. Une organisation
paramilitaire, super clandestine venait d'être
créée et le parti me mettait à la disposition de ce
tte formation.
Je vous précise qu'à ce moment-là, le MTLD existait
et que j'en faisais partie. C'est donc ce parti
politique qui m'a mis à la disposition de cette org
anisation paramilitaire qui prenait le titre de l'O
S
(Organisation spéciale). Madjid m'expliqua en outre
qu'il fallait obtenir la libération de l'Algérie p
ar
la force et que seule la violence était susceptible
de nous faire atteindre l'objectif. J'étais désign
é
pour prendre la direction de l'OS en Oranie.
Partout, dans les villes, je devais créer des group
es comptant un chef et trois éléments. C'est ce
que nous avons appelé l'organisation «quatre-quatre
». C'est au cours de contacts successifs que
Madjid m'a expliqué le détail de ma mission. Durant
mon séjour à Alger, j'ai fait la connaissance de
Belhadj Djillali Abdelkader, Reguimi et Maroc.
Avec Madjid, nous constituions une sorte d'état-maj
or qui devait élaborer le plan d'instruction et de
formation militaires. Belhadj Djillali était chargé
de la rédaction des cours d'instruction militaire
que
nous supervisions, approuvions ou modifions en séan
ce de comité.
Quelques mois à peine, après les élections à l'asse
mblée algérienne, pour mettre en pratique ce
que nous avions élaboré en théorie, avec le chef na
tional Madjid et le comité d'état-major, nous
avons décidé d'effectuer un peloton d'instruction à
la ferme de Belhadj, au douar Zeddine, près de
Rouina.
Nous sommes restés là sept jours au cours desquels
nous avons fait des exercices de tir au «colt»
et de l'instruction individuelle technique du comba
ttant. Nous disposions de deux «colts» dont l'un
appartenait à Madjid, l'autre à Belhadj.
J'ai commencé à organiser à Oran où j'ai désigné co
mme chef un certain Belhadj, employé à la
mairie, au service du ravitaillement. Puis j'ai nom
mé à Tiaret comme responsable de notre
organisation un certain Saïd, tailleur.
Par la suite, j'ai organisé Relizane, Mostaganem et
Tlemcen. J'ai placé à la tête de ces trois
derniers centres respectivement Benatia, conseiller
municipal, Fellouh, gargotier, et un troisième à
Tlemcen dont je ne me souviens plus du nom. Je suis
resté à la tête du département d'Oran
jusqu'en avril 1949.J'ai été rappelé par le parti à
la politique.
Durant mes fonctions de chef de département, je ven
ais assez régulièrement à Alger où
j'effectuais des liaisons avec Madjid. Nous nous ré
unissions environ une fois par mois pour faire le
point sur la situation de l'organisation paramilita
ire.
Je retrouvais là mes camarades de l'état-major. Ces
petites réunions mensuelles duraient deux ou
trois jours et à chacune d'elle nous avions le soin
de fixer le lieu, la date et l'heure de la prochai
ne.
Au sujet des armes d'instruction de mon département
, elles n'ont pas été livrées par Alger, mais
achetées sur place à Oran disposait de quelques rev
olvers 7,65, de deux colts et d'une mitraillette
allemande qui, je crois, est celle qui a servi à l'
attaque de la poste d'Oran. Je vous parlerai plus
tard en détail de cette affaire.
Pour les autres régions, je ne me souviens plus de
la nomenclature des armes, il n'y en avait pas
beaucoup. J'ai été remplacé par Boutlelis Hamou à l
a tête du département d'Oran. A Alger, le parti
m'a placé à la tête du CO (comité d'organisation).
Ma mission consistait en la réception des
rapports des différentes wilayas d'Algérie, que je
transmettais au parti. En retour, j'adressais à ces
dernières les instructions données par la direction
politique.
Les réunions de wilaya avaient lieu mensuellement e
t chacun des chefs apportait personnellement
son rapport. J'ai assumé ces fonctions jusqu'en sep
tembre 1949. A ce moment-là, le chef national
de l'OS, Madjid, est passé au berbérisme et le part
i, en la personne de Khider, m'a chargé de
m'occuper de l'OS.
Durant trois mois, c'est-à-dire octobre, novembre e
t décembre, j'ai donc cumulé les fonctions de
chef du comité d'organisation et de chef national d
e l'OS. A partir de décembre, j'ai abandonné
mes fonctions spécifiquement politiques pour me con
sacrer à l'organisation paramilitaire. J'ai été
remplacé au comité d'organisation par Saïd Hamrani.
Depuis la fin 1948, le coup d'Etat berbériste
était en préparation, et peu à peu les rangs de l'O
S se vidaient.
Cette crise a atteint son paroxysme au moment où Ma
djid a été mis dehors par le parti. C'est, je
crois, en juillet-août 1949.Quand j'ai repris l'OS,
la situation n'était pas brillante. Alger se
subdivisait en trois régions, Oran et Constantine e
n deux. J'ai dû supprimer cette fragmentation et
les trois départements ne formèrent plus qu'un seul
bloc.
A la tête du département d'Alger, j'ai placé Reguim
i Marc, avec comme adjoint, Larbi, celle du
Constantinois, Belhadj Djillali, conservait sous mo
n autorité la direction des trois départements en
ce qui concerne l'organisation paramilitaire. A la
tête du service général, en remplacement de Ould
Hamouda, arrêté, je plaçais Yousfi Mohamed. A la su
ite de la démission du docteur Lamine
Debaghine, l'OS a subi une nouvelle crise. Belhadj
Djillali était mis en veilleuse et remplacé par
Reguimi. Il était accusé de s'occuper beaucoup plus
de son commerce que de l'organisation.
Alger, Oran et Constantine étaient respectivement d
irigés par Boudiaf, Abderrahmane et Larbi.
Maroc était rappelé à la politique. Yousfi conserva
it toujours la direction du service général qui
s'enrichissait d'un groupe sanitaire. Je sais que l
e réseau complicité passait sous la direction de
Ben Mahdjoub, Arab Mohamed conservant le service de
s artificiers.
J'ignore quels étaient les responsables d'autres se
ctions. A ce moment-là, l'OS avait la structure
suivante : Un chef national placé sous l'autorité d
u parti. J'avais sous mes ordres un chef pour les
trois départements et un chef de service général. C
haque département était placé sous l'autorité
d'un responsable duquel dépendaient plusieurs chefs
de zones.
Pour Alger, il y en avait six ou huit : pour Oran,
il y en avait un, enfin pour Constantine, quatre ou
cinq. Tous les membres de l'OS, du chef national ju
squ'au chef de zones, y compris le chef du
réseau de complicité et le chef des artificiers, ét
aient des permanents du parti politique M.T.L.D,
mis à la disposition de l'organisation paramilitair
e. Ils touchaient un traitement mensuel.
Les chefs de chaque département, le chef des trois
départements, le chef du service général et
moi-même percevions une mensualité de quinze mille
francs, alors que les chefs de zones, le chef
du réseau complicité et celui des artificiers perce
vaient douze mille francs par mois. Je vous ai dit
qu'en ma qualité de chef national de l'OS, je dépen
dais directement du parti.
J'étais placé sous l'autorité directe du député Khi
der. C'est à lui et à lui seul que je rendais compt
e
de l'activité de la formation paramilitaire. C'est
de lui et de lui seul que je recevais les directive
s et
les cosignes. Aucune décision grave, aucune réforme
importante n'était prise sans en référer au
député Khider. C'est d'ailleurs lui, qui, chaque mo
is, me remettait les fonds nécessaires à la
rétribution des permanents de l'OS.
Nous avions l'habitude de nous rencontrer une fois
par mois, soit place de Chartres soit au 13 de
la rue Marengo, soit dans un autre endroit quelconq
ue. Il est évident que je le voyais d'autres fois
à la permanence politique, mais pour l'OS, les cont
acts étaient mensuels. Aux différents cas que je
lui soumettais et suivant leur importance, Khider l
es tranchait immédiatement ou me demandait un
temps de réflexion.
Je suppose donc qu'il sollicitait quelquefois l'avi
s du parti.Je veux maintenant vous expliquer les
conditions dans lesquelles l'OS a été créée. Dans l
e M.T.L.D, comme dans tous les partis
politiques, il y a ce qu'on appelle les détracteurs
. Il y a les réfléchis, les pondérés, les exaltés,
les
violents qui trouvent qu'on n'en fait jamais assez
et qui nous disaient que la libération du territoir
e
national n'allait pas assez vite. C'est dans cette
atmosphère et pour faire face au discrédit que le
parti a décidé, pour montrer sa force et sa volonté
d'action, de créer une organisation paramilitaire.
Cette formation, qui avait pur but la libération de
l'Algérie, ne devait intervenir qu'en cas de confl
it
extérieur avec la France ou de conflit intérieur gr
ave. Et c'est toujours sous la pression des
perturbateurs et pour céder à leurs exigences que c
ertains actes de violence ont été commis.
Parmi eux, je citerai le cas de l'attaque de la pos
te d'Oran. Je vous le dis immédiatement, il s'agit
d'un coup de force exécuté par l'OS. Après le dépar
t de certains éléments troubles tels que Madjid,
par exemple, et à la lueur de l'expérience acquise,
il était avéré que l'OS n'était pas viable. Le par
ti
avait décidé de la supprimer. C'est ainsi que peu à
peu, les éléments et les permanents qui étaient
rappelés à la politique n'étaient pas remplacés. L'
ordre formel avait d'ailleurs été donné à tous les
élus M.T.L.D qui avaient été mis à la disposition d
e l'OS d'avoir à réintégrer le parti.
A plusieurs reprises, je vous ai parlé de l'attaque
à main armée perpétrée contre la poste d'Oran.
Je viens de vous dire qu'il s'agissait d'une manife
station de l'OS, que ce coup de force avait été
tenté pour satisfaire aux exigences des trublions p
olitiques du M.T.L.D. Je vais donc par le détail
vous dire tout ce que je sais sur cet attentat. Au
début de l'année 1949, le M.T.L.D. subissait une
crise financière assez aiguë et cela s'ajoutait aux
tiraillements politiques.
Je ne peux pas vous dire absolument si c'est Madjid
qui était à ce moment-là le chef national de
l'OS ou bien le député Khider, qui a imaginé ou con
çu ce coup de force. En tout cas, ce que je puis
vous affirmer, c'est qu'ils étaient au courant des
faits, et que cette affaire n'a pas pu se réaliser,
à
condition que ce soit Madjid qui l'ait conçue, sans
en conférer à Khider.
D'ailleurs, par la suite, lorsque j'étais chef nati
onal de l'OS, les conversations que j'ai eues avec
Khider m'ont démontré qu'il était parfaitement au c
ourant des faits. C'est au cours d'une réunion de
l'état-major de l'OS, à Alger, que Madjid nous a fa
it connaître l'intention du parti d'attaquer la pos
te
d'Oran, pour se procurer de l'argent. Il m'a chargé
de trouver sur place, à Oran, un local où nous
pourrions en toute quiétude mettre sur pied le plan
de réalisation d'une telle opération. Dès le
début, nous avons désigné pour l'exécution Bouchaïb
, de Temouchent, qui devait diriger
l'expédition, Fellouh, de Mostaganem, Kheder, le ch
auffeur d'Alger, tous trois membres de l'OS.
Cette équipe devait être complétée par trois ou qua
tre éléments supplémentaires choisis parmi les
membres de l'OS ou des maquisards.
Ces grandes lignes arrêtées, il était convenu que l
'affaire se ferait au début du mois de mars et
que Madjid viendrait à Oran, une quinzaine de jours
avant, pour le montage définitif.Je suis rentré
à Oran et j'ai immédiatement songé à utiliser le lo
cal dont le parti disposait, 1, rue Agent Lepain, à
Gambetta, et j'en ai avisé Madjid. Il est arrivé ve
rs le 20 février à Oran et a logé au local. J'ai om
is
de vous dire qu'il était accompagné de Khider. Ils
ont été rejoints par les permanents Bouchaïb, de
Temouchent et Fellouh de Mostaganem. Trois maquisar
ds sont arrivés d'Alger quelques jours
après. Je suppose qu'ils ont été désignés par Ould
Hamouda, qui, à l'époque, devait être chef du
réseau de complicité, par sa qualité de chef du ser
vice général. Ils ont certainement été reçus à la
gare d'Oran par Bouchaïb qui les a conduits au loca
l de la rue Agent Lepain.
Comme cela est de coutume chez nous, ils devaient t
rès probablement avoir un mot de passe et
un journal, signe de reconnaissance. Je dois vous d
ire que c'est Madjid qui détenait les fonds
nécessaires à la nourriture et qu'ils faisaient eux
-mêmes leur popote. A cette époque, le parti
m'avait rappelé à la politique. J'avais déjà pris m
es consignes à Alger et j'étais en train de passer
celle de l'OS, du département d'Oran à Boutlelis Ha
mou.
Je ne pense pas que ce dernier à ce moment fût au c
ourant de cette première affaire. Pour ma
part, il avait été décidé que, deux ou trois jours
avant le coup, je devais me créer un alibi en allan
t
me reposer dans ma famille à Marnia, puis le lendem
ain de l'attentat me rendre à Alger pour y
rencontrer Madjid.Environ six jours avant l'attaque
de la poste, avec Madjid et l'équipe, nous avons
tenu une réunion pour exhorter les exécutants à fai
re ce que commandait le parti.
Pour cette réunion, Madjid et moi avons revêtu des
cagoules noires du groupe de l'OS, d'Oran.
Elles nous arrivaient jusqu'à mi-corps, nous étions
assis dans la grande pièce centrale, face à la
porte dissimulant nos pantalons par une couverture.
C'est Bouchaïb qui nous a fait rentrer dans ce loca
l et c'est lui qui a introduit les éléments, alors
que nous avions la face voilée. C'est Madjid qui a
pris le premier la parole. Il s'est adressé à
l'auditoire en langue arabe et a dit en substance :
«Le parti a besoin d'argent, vous avez juré de lui
obéir et il compte sur vous pour exécuter fidèlemen
t la mission qui vous a été confiée.»Il a
expliqué succinctement qu'il s'agissait d'attaquer
la poste d'Oran pour se procurer l'argent de la
caisse de la recette. Il a ajouté que les détails c
omplémentaires seraient fournis en temps utile par
Bouchaïb.
J'ai ensuite pris la parole en langue arabe pour co
nfirmer ce qu'avait dit Madjid. Ici, je vous dois
une explication. Dans les conversations préliminair
es avec Madjid, il avait été décidé d'utiliser un
taxi volé à son propriétaire. Madjid avait minutieu
sement étudié les détails de tout cela. Comme il
avait été convenu, je me suis rendu à Marnia.
L'opération, autant qu'il m'en souvienne, avait été
fixée pour le 3 ou le 4 mars. Dès cette date
écoulée, j'ai pris le train à destination d'Alger o
ù j'avais rendez-vous avec Madjid. Je l'ai
effectivement rencontré et il m'a expliqué comment
l'affaire n'avait pas réussi du fait d'un mauvais
fonctionnement de la voiture restée en panne à prox
imité de la poste.
Quelques jours après, l'état-major de l'OS s'est ré
uni et nous avons décidé que cette affaire serait
reportée au 4 ou au 5 avril 1949. Je suis retourné
à Oran, où je devais terminer de passer mes
consignes à Boutlelis. Madjid m'a rejoint vers les
23 ou 24 mars, et comme précédemment, il a
logé au local de la rue Agent Lepain. Là, il a retr
ouvé les éléments, c'est-à-dire Bouchaïb, Khider,
Messaoud Soudani, qui était permanent rétribué du p
arti, chef de zones d'Oran centre, un certain
X de Palikao, qui avait remplacé Fellouh et deux de
s trois maquisards de la première opération, le
troisième ayant, je crois, rejoint Alger.
Cette fois, je n'ai pas paru au local. Je prenais c
ontact avec Madjid à l'extérieur. Il avait été déci
dé
que le coup se ferait le 5 avril au matin et comme
la première fois, on devait utiliser un taxi volé.
Pour ma part, je devais rejoindre Alger deux ou tro
is jours avant la date et revenir à Oran par le
train de jour qui arrive à quinze heures.
Madjid, lui, devait rentrer à Alger la veille, en p
renant le train qui part d'Oran à vingt-deux heures
environ. Ces consignes ont été scrupuleusement resp
ectées et le 5 avril vers 13h je suis arrivé à
Oran. A la sortie de la gare, j'ai rencontré Souida
ni qui m'a mis au courant du déroulement de
l'affaire, me signalant qu'il avait été impossible
d'utiliser un taxi, les chauffeurs étant très méfia
nts
et qu'ils avaient dû user d'un subterfuge en se ser
vant d'un docteur et de sa traction avant. Il m'a
dit que l'argent se trouvait dans le local.
C'est par le journal du soir Oran-Soir que j'ai con
nu le montant du vol et appris certains autres
détails. Je devais reprendre le train du soir pour
rendre compte de ma mission à Madjid. J'ai pris
contact avec Boutlelis que j'ai mis au courant des
faits, le chargeant en sa qualité de chef de
département de veiller à la sécurité des éléments q
ui avaient perpétré le coup, et au moment du
vol.
Vers 17h30, ce même jour, j'ai vu Soudani et je lui
ai dit de prendre contact avec Boutlelis, duquel
il recevrait des instructions ultérieures susceptib
les de parer à toute éventualité. Dès le matin,
j'étais rentré à Alger par le train de la veille, a
u soir, j'ai pris contact avec Madjid auquel j'ai r
endu
compte de ma mission. Là, se terminait mon rôle.
Par la suite, j'ai appris par Madjid lui-même que l
'argent avait été transporté chez Boutlelis où le
député Khider devait en prendre livraison. Ce fait
m'a été confirmé par lui-même au cours de
discussions et de conversations que nous avons eues
alors que j'étais responsable du CO, puis
chef national de l'OS. Le produit du vol a été enti
èrement versé au M.T.L.D. par Khider, la somme
d'argent découverte chez Kheder le chauffeur représ
entait un prêt consenti par l'OS pour lui
permettre de monter un garage personnel.
Je ne vois rien d'autre à vous dire sur l'affaire d
e la poste d'Oran. Si par la suite il me revenait
certains détails, je ne manquerai pas de vous en fa
ire part ou de les dire au juge d'instruction. A
l'instant, il me souvient que c'est Madjid, avant d
e prendre le train à destination d'Alger, qui a
téléphoné ou qui est allé voir la femme du docteur.
Les armes utilisées pour perpétrer l'attentat contr
e la poste d'Oran appartiennent toutes à l'OS de
cette ville.
S.I. - La somme d'argent que vous avez trouvée dans
ma chambre, soit deux cent vingt-trois mille
francs, se décompose comme suit : trente-huit mille
francs m'appartiennent en propre, dont quinze
mille francs de ma permanence du mois en cours. Le
reste représente la Caisse de l'OS,
constituée en partie par des cotisations et les don
s et en partie remises par le député Khider.
S.I. - Le revolver P 38 de marque allemande que vou
s avez découvert dans la poche de ma
canadienne dans ma chambre est une prise de guerre
de la compagne d'Italie.
S.I. - La fausse carte d'identité, l'extrait de nai
ssance au nom de Mebtouche Abdelkader, né le 9
mars 1919 que vous avez trouvés dans ma chambre m'o
nt été remis par le député Khider et ce,
dans les conditions suivantes : quelque temps après
l'attentat perpétré contre la poste d'Oran, la
police est allée me chercher à Marnia, à mon domici
le. Mes parents m'ont averti. C'est alors que
j'ai demandé à Khider de me procurer de faux papier
s. A sa demande, je lui ai remis deux
photographies et quelques jours après, il m'a donné
les papiers que vous avez découverts.
S.I. - Je ne peux vous donner aucune indication sur
les maquisards, je sais seulement qu'il y en
avait deux, hébergés dans la région de l'Alma, un d
ans la région de Cherchell, un en Oranie, dans
la région de Saint-Cloud et deux dans Oran-ville ou
aux environs immédiats. Pour ces trois
derniers, je pense qu'Abderrahmane, actuellement ch
ef de l'OS du département d'Oran, pourra
vous dire exactement où ils se trouvent.
Quant à Bouchaïb et Souidani, depuis l'affaire d'Or
an, je ne les ai plus revus. Je ne me souviens
du signalement que d'un maquisard. Je l'ai aperçu a
lors que j'étais en cagoule. Il semblait être âgé
d'une trentaine d'années, très brun, le nez épaté,
petit et trapu.
Lu, persiste, signe, signons. Et de même suite, dis
ons que Ben Bella nous déclare : Aux mois de
mars et d'avril, non : en avril seulement, pour l'a
ttentat de la poste d'Oran, je me suis créé un alib
i
en passant la nuit qui a précédé cet attentat à l'h
ôtel du Muguet, à Alger.
Lu, persiste, signe, signons.
Copie certifiée conforme
Le greffier
Signé : illisible*
Texte reproduit intégralement conforme à l'original
.
---------------------------------------------------
---------------------------------------------
Ce PV a été publié le 21 Novembre 2002 par le quoti
dien La Tribune à Alger
-
Commentaires