• Reconnaissance de l'assassinat d'Audin par la France

    Reconnaissance de l'assassinat d'Audin par la France

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    Karim Younes

    MAURICE AUDIN, mort pour l'Algérie : son pays

    Il fut assassiné par les parachutistes, il y a soixante et un ans, le 21 juin 1957. Comme des milliers de disparus de la Bataille d'Alger, son corps n'a pas été retrouvé.

    Maurice Audin, est né le 14 février 1932, dans la ville de Béja, en Tunisie, de père né en France et de mère née en Algérie.
    A Alger, où sa famille revint dans les années 1940, il suivit pratiquement toute sa scolarité. Il entra à la Faculté des sciences d'Alger, en 1949, à l'âge de 17 ans.

    En plus de ses activités de chercheur, Maurice Audin, membre du Parti communiste algérien depuis 1951, était omniprésent dans les luttes syndicales et politiques.

    C'est à travers ces luttes que se forgea sa conscience nationale. Il intégra ainsi la nation algérienne en lutte pour sa dignité.

    Le 20 janvier 1956, il était aux côtés de ses camarades étudiants musulmans de l'Université d'Alger lors de la manifestation, organisée par la section d'Alger de l'UGEMA, suite à l'assassinat de l'étudiant Belkacem Zeddour et du docteur Benaouda Benzerdjeb.

    Cette manifestation fut d'ailleurs le prélude à la grève générale illimitée déclenchée le 19 mai 1956.

    Détruire l'ordre colonial sanglant, insultant, raciste, pour construire, avec le peuple libéré, une société juste, solidaire, fraternelle étaient son engagement.

    Qu'est-ce qui a poussé à l'action politique ce jeune mathématicien ? Josette Audin, son épouse, professeur de mathématiques comme lui, répond avec sérénité : "Ce sont ses convictions communistes que je partage autant que son goût pour les sciences. Nous étions tous les deux conscients des risques que nous faisaient courir nos engagements politiques".

    Contexte de son arrestation par les parachutistes le 11 juin 1957

    Alger, 1957. Le général Massu reçoit, le 7 janvier, les pleins pouvoirs des mains du chef du gouvernement, Guy Mollet. Il devient ainsi le chef suprême de la zone d'Alger. Il s'entoure d'officiers revenus comme lui du Viet Nam après la défaite du corps expéditionnaire français à Diên Biên Phû au mois de mai 1954, Avec ses milliers de parachutistes, il envahit Alger et sème la terreur dans la population.

    Il s'arroge le droit de vie et de mort. Il ouvre des centres de torture partout : La villa Sésini, l'école Sarrouy, le café-restaurant Bellan aux Deux Moulins, l'immeuble d'El Biar, le stade de Saint Eugène (Omar Hamadi à Bologhine), la villa des Tourelles.

    La liste est longue. Dans la nuit du 11 juin 1957, des officiers du 1er régiment de chasseurs parachutistes enlèvent Maurice Audin à son domicile, à la cité des HBM de la rue Flaubert, au Champ de Manœuvres.

    Son épouse raconte ce qui est arrivé : "Il est 23 heures. Nos enfants - le plus jeune, Pierre, a un mois - sont à peine couchés lorsque les "paras" viennent frapper à la porte. J'ai la naïveté de leur ouvrir, sachant très bien, en réalité, ce qu'une visite aussi tardive peut signifier...Ces hommes venus prendre mon mari me diront en partant : ''S'il est raisonnable, il sera là dans une heure''...Il n'a pas dû l'être, raisonnable, car je ne l'ai jamais revu".

    Il avait subi l'électricité. On lui avait fixé les pinces successivement à l'oreille, au petit doigt de la main, aux pieds, sur le bas-ventre, sur les parties les plus sensibles de son corps meurtri.Il avait également subit le supplice de l'eau.

    Le 21 juin, Maurice Audin, âgé de 25 ans, père de trois enfants, disparaît.

    "Mon mari a été étranglé le 21 juin 1957 au centre de tri de la Bouzaréah, à El Biar, au cours d'un interrogatoire mené par son assassin, le lieutenant Charbonnier, officier de renseignements du 1° RCP...

    Le crime fut commis au su d'officiers supérieurs qui se trouvaient, soit dans la chambre des tortures, soit dans la pièce attenante.

    Il s'agit du colonel Trinquier, alors adjoint du colonel Godard, du colonel Roux, chef du sous-secteur de la Bouzaréah, du capitaine Devis, officier de renseignements attaché au sous-secteur de la Bouzaréah, et qui avait procédé par ailleurs à l'arrestation de mon mari, du commandant Aussaresses, du commandant de la Bourdonnaie".

    Où se trouve le corps du supplicié ?

    Josette Audin n'a cessé de chercher à connaître la vérité.
    Le 19 juin 2007, dans une lettre ouverte, Josette Audin écrit au président de la République française pour lui demander "simplement de reconnaître les faits, d'obtenir que ceux qui détiennent le secret, dont certains sont toujours vivants, disent enfin la vérité, de faire en sorte que s'ouvrent sans restriction les archives concernant cet événement... ".

    Elle n'a pas reçu de réponse.

    Mais, par une lettre datée du 30 décembre 2008, le président de la République française informe la fille aînée de Maurice Audin, Michèle, mathématicienne, de sa décision de lui décerner le grade de chevalier de la Légion d'honneur (pour sa contribution à la recherche fondamentale en mathématiques et la popularisation de cette discipline).

    Michèle Audin l'a refusée. "Je ne souhaite pas recevoir cette décoration...parce que vous n'avez pas répondu à ma mère...", a-t- elle écrit au chef de l'Etat français, dans une lettre ouverte qui a fait le tour du monde.

    Mais Josette Audin ne sait toujours pas où est enterré son mari.

    Afin de perpétuer le souvenir du brillant mathématicien, symbole de l'intellectuel engagé, mort pour que vive l'Algérie, son pays, la République algérienne reconnaissante donna, le jour de la célébration de l'an I de l'indépendance, le nom de Maurice Audin à la place centrale d'Alger, en contre bas de l'Université où il mena de brillantes recherches. Dans l'Algérie colonisée, la place portait le nom du général Lyautey, descendant des envahisseurs de 1830.

    Les aveux de Paul Aussaresses

    Que raconte Jean-Charles Deniau dans son ouvrage ? Sa recherche des derniers protagonistes de l'affaire Audin, vétérans de la guerre d'Algérie. Et ses entretiens avec Paul Aussaresses, décédé en décembre dernier à 95 ans.

    Questionné à maintes reprises par le journaliste, le général finit par lâcher : "-Bien, ce qui s'est passé ...(silence). Eh bien, on a tué Audin. Voilà ! -Comment ? -Eh bien ! On l'a tué au couteau. -Et pourquoi ? -Pour qu'on pense, si on le trouvait, qu'il avait été tué par les Arabes.

    Voilà et qui a décidé de ça, c'est moi. Ca vous va ?-Je cherche seulement la vérité. (Il s'énerve)- La vérité c'est qu'on a tué Audin. -Qui l'a tué ? -Un capitaine dont j'ai oublié le nom et qu'on nous avait prêté pour ça. -Et après, vous avez monté le coup de l'évasion ? - Voilà. Mais l'ordre a été donné par qui ? - Par moi".

    Un peu plus loin : "Vous préférez prendre sur vous, plutôt que d'accuser Massu ? -Voilà, c'est ça." Le général s'empêtre dans ses contradictions.

    Il ne veut mettre en cause personne et préfère prendre tout sur lui". Page suivante : "-Il a été poignardé dans sa cellule ? -Non, dehors. -C'est à dire ? Il a été poignardé à l'endroit où il a été enterré (silence). Moi je n'y étais pas. -Ça s'est passé où ? - Près d'Alger, à vingt kilomètres".

    Selon l'auteur, c'est le général Massu (1908-2002), avec l'aval du pouvoir politique, qui donne l'ordre d'éliminer l'universitaire de vingt-cinq ans, jeune père de trois enfants.

    Plus de 60 ans après, a France reconnait que le mathématicien Maurice Audin en 1957 a été une des victimes d'un système global, organisé par l'Etat français en Algérie.

    Le militant est «mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France», a précisé l’Elysée aujourd'hui 13 septembre 2018

    Karim Younes 
    Larges extraits de la publication de Mohamed Rebah Chercheur en Histoire

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