• Krim Belkacem, un «blacklisté» de l’histoire.

    Krim Belkacem, un «blacklisté» de l’histoire

      
    19 OCTOBRE 2018 À 1 H 27 MIN
     
    Une cérémonie de recueillement a été organisée, hier, au cimetière El Alia, en hommage à Krim Belkcacem. 48 ans après son assassinat, toujours autant de questions restent sans réponses.

    Il est 9h45. Au carré des Martyrs du cimetière El Alia, une cérémonie de commémoration de Krim Belkacem, figure historique du combat pour l’indépendance de l’Algérie. Pourtant, aucun officiel n’a fait le déplacement. Sur place, sa famille, ses amis et ses compagnons. Tous venus lui rendre hommage. Il est 10h12. Ali Benflis, ancien chef de gouvernement et président du parti Talai El Houriyet, arrive. Il est suivi par l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement Ouyahia, Mohamed Aziz Derouaz.

    Le «géant», comme ils le qualifient, «a commencé la révolution avant la révolution étant donné qu’il a rejoint le maquis en 1947», raconte Mohamed Maïz, président de l’Association des amis de Krim Belkacem. «A tous, il nous évoque deux mots : révolution et indépendance. Ils l’ont allumé à six en 1954 et c’est lui qui l’a éteint en 1962. Quand ils ont réparti les missions et divisé l’Algérie en cinq régions, chacun était responsable de sa région.

    Au bout d’une année, Krim a pris toute l’Algérie sous sa responsabilité. Il a porté l’Algérie à bout de bras. Krim est un géant. Un monument», ajoute le militant Brahim Ould Mohamed. Ils étaient donc présents hier pour la honorer la mémoire de l’un de ceux qui ont fait l’histoire de ce pays. Pour se rappeler de son combat et de tout ce qu’il a apporté à l’Algérie.

    «Il a voué sa jeunesse à la libération du pays. C’est l’un des signataires des Accords d’Evian. Il a sacrifié sa vie pour les libertés démocratiques. Malheureusement, le 18 octobre 1970, il a été assassiné par les émissaires du pouvoir de Boumediène»,confie Mohamed Maïz. Selon lui, 48 ans après son assassinat, il serait temps de savoir ce qui s’est réellement passé, pourquoi on l’a assassiné. D’ailleurs, selon Brahim Ould Mohamed, la chambre ou il a été assassiné est toujours fermée.

    Devant la porte de cette fameuse chambre, chaque semaine, un bouquet de fleurs est déposé. «Mais pour cela, il faut remonter à la cour révolutionnaire d’Oran qui l’a condamné à mort, où il y a eu la conjonction de tous ces jurés qui l’ont condamné à mort. Pis encore, ils ont appelé à son assassinat. Ils ont fait un appel disant que tout Algérien est un auxiliaire de la justice pour exécuter la sentence en tout lieu et à tout moment», se désole-t-il.

    Au moment où il me livre son témoignage, je me rappelle de mes années lycée. J’essaye de puiser dans ma mémoire un soupçon de toutes informations… rien. Krim Belkacem, je l’ai connu à travers des livres extrascolaires mais pas à l’école. Je continue ma tournée. Tous les présents s’accordent à faire les louanges de ce héros. Son fils, Ahmed Krim, raconte : «Mon père a dit non au système qui a pris le pouvoir en 1962.

    Et le système n’acceptait pas l’opposition. Soit vous dites oui, soit vous vous taisez. Lui n’était pas d’accord avec la politique de gestion du pays. C’est pour cela qu’on l’a assassiné. Il a eu un destin exceptionnel.» Dans sa lutte, il y avait plusieurs périodes. Mais la plus extraordinaire, selon son fils Ahmed, est celle qui a précédé le déclenchement de la Révolution.

    Cimetières

    Dans le sens où il fallait avoir un courage de fou. «Penser qu’avec ce qu’ils avaient en plus de l’environnement national, s’attaquer à la France c’est comme une mouche qui s’attaque à un éléphant. Mathématiquement, ils n’avaient aucune chance», confie-il.

    Une anecdote sur son père, Ahmed se rappelle de l’histoire des cimetières. «Mon père dormait dans les cimetières par sécurité. Il me disait que les gens ont tellement peur des cimetières que personne n’ose y pénétrer la nuit. Donc, il dormait là. Il venait rarement à la maison. Il venait la nuit puis s’en allait deux jours après.»

    De son côté, Ali Benflis déclare que Krim faisait partie de la liste des géants, de ceux qui ont déclenché la Révolution. Il a voué sa vie à l’indépendance de son pays. «La guerre d’indépendance a duré 7 ans et demi. Il était parmi les premiers qui y ont participé. A la différence que lui avait commencé sa révolution 7 ans avant le 1er novembre 54. 14 ans et demi à lutter pour l’indépendance de l’Algérie en tant que militaire, homme politique, homme diplomatique», soutient-il.

    Encore une information qu’on ne nous donne pas à l’école. Pour Aziz Derouaz, Krim Belkacem est un géant de la lutte de libération nationale et de la conquête de l’indépendance de notre pays. Son parcours est à la fois celui d’un homme de guerre, d’un militant politique et d’un stratège. Il a eu la consécration politique à sa participation aux Accords d’Evian et lorsqu’il a pris sa place dans ce qui a été le gouvernement provisoire.

    «En tant que jeune Algérien, j’ai découvert progressivement l’histoire de nos héros de la libération nationale et en même temps j’étais touché par son assassinat à l’orée de sa carrière politique. Cela fait d’ailleurs partie des questionnements des gens de ma génération.» Pour Mohamed Maïz, le premier crime contre l’histoire de ce pays c’est avoir déclaré en 1962 «un seul héros, le peuple».

    Alors que ce pays a eu plein de héros à l’image de Krim, Abane, Amirouche, Ben Boulaid, Boudiaf, Ben M’hidi… «Quand vous dites ‘’un seul héros, le peuple’’, cela veut dire qu’on ne reconnaît pas le titre de héro à tous ces héros justement qui ont fait l’histoire de ce pays.» Preuve en est : c’est ce qu’on enseigne à nos enfants à l’école. «On ne retrouve pas la trace de Krim Belkacem mis à part une phrase ou deux.

    C’est quelqu’un qui a été complètement effacé de l’histoire de ce pays.» Et c’est vrai ! Moi, issue de cette nouvelle génération, me retrouve face à des révélations auxquelles je n’avais pas accès à l’école. Si je m’étais contentée de ce qu’on nous a enseigné à l’école, je ne saurai rien de Krim Belkacem. On en sait plus sur Staline, Korbachev, Churchill… que sur Krim Belkacem.

    «Acteur»

    Dans nos manuels scolaires, Krim Belkacem y est présenté comme étant un «acteur de la Révolution algérienne». Une phrase, sans plus. C’était bref. On ne nous l’a pas enseigné en tant que personnalité historique comme on l’a fait pour d’autres étrangers. Mais pourquoi ? «Car ceux qui ont pris le pays en otage depuis 1962 n’ont pas d’histoire. C’est malheureux qu’un pays ne mette pas en valeur son histoire. D’autant plus qu’elle est glorieuse. Il y a des pays n’ont pas d’héros, ils ont donc imaginé Popeye et ont fait de lui un héros.

    Et nous avons des monuments de l’histoire contemporaine de ce pays et ils ont été pratiquement effacés de l’histoire de ce pays», explique Mohamed Maïz. A ce titre, comment expliquer les récentes déclarations de Ould Kablia qui a assuré que le MALG a remit 20 tonnes d’archives au ministère de la Défense nationale, 50 ans après ? «Pourquoi le MALG détenait les archives de l’histoire algérienne ? Il y a une institution qui s’appelle les Archives nationales.

    Et pourquoi il remet cela au ministère de la Défense si ce n’est pour enlever tout ce qui ne les arrange pas ? Pour nous remettre une histoire nickel !» De son côté, le frère de Krim Belkacem assure qu’on ne cherche pas à ouvrir les portes de l’histoire. «Il suffit d’ouvrir une toute petite fenêtre pour en savoir plus sur ce qui s’est passé.

    Hier, j’étais perdu. Je pensais à la commémoration d’aujourd’hui et les cadenas de l’APN me hantaient l’esprit. Je pense aux générations futures. Même l’histoire est cadenassée. Malheureusement, l’Algérie n’appartient plus aux Algériens», se désole-t-il. En ce qui concerne le rapatriement de Krim Belkacem, son fils assure qu’il est passé inaperçu.

    La raison : l’avion qui transportait sa dépouille a atterri au même moment que celui de François Mitterrand. «Ils ont fait coïncider la visite de Mitterrand, jour de fanfare et ou tout le monde était occupé avec la réception, la garde d’honneur, le tapis rouge et tout ce qui s’ensuit, pour que le rapatriement soit passé sous silence», raconte-il.

    De son côté, Ahmed Krim est réaliste quant à l’écartement de son père des livres scolaires : «Quand on n’aime pas quelqu’un, on souhaite qu’il disparaisse. Le système algérien après l’indépendance n’acceptait pas les opposants. C’est simple, l’histoire changera avec le changement du pays.»  Sofia Ouahib

     

    – Vers la création d’une fondation

    La fondation Krim Belkacem est en cours de création. En effet, selon une source anonyme, celle-ci,, qui aurait eu l’appui total des autorités, vise à consolider l’histoire du Mouvement national et à mettre à l’ordre du jour la portée de la Révolution. Elle tend également à promouvoir l’histoire de l’Algérie, notamment auprès de la jeunesse, et à mettre en place la mémoire de l’histoire en sollicitant chercheurs et historiens. Selon notre source, la fondation verra le jour lors d’une date historique. Peut être le 1er novembre ?  S. O.

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